A première vue, la ruelle semblait déserte. Depuis que les chats errants avaient disparu de la ville, les seuls êtres vivants à écumer les rues étaient quelques bataillons de rats ou çà et là un chien famélique, mais celle-ci semblait sûre. Pour le moment.
Adrian jeta un regard derrière son épaule, et resta un moment stupéfait. Personne. Puis un mouvement derrière la poubelle lui apprit qu’ils étaient bien toujours à sa suite.
Quelle chance de tomber sur eux dans les sous-sols du centre commercial ! Il y avait encore quelques semaines, il les aurait fui, préférant éviter les ennuis. Mais à présent que tous ses repères avaient été bouleversés, le jeune garçon s’était dit en les voyant qu’il n’avait jamais été aussi heureux de tomber sur des marginaux. Niek et Frits, des jumeaux d’origine néerlandaise, lui avaient paru parfaitement à leur aise dans la galerie marchande dévastée.
Assis sur une fontaine hors service, des bouteilles de bière à la main, ils s’amusaient à shooter des rats au lance-pierres. Quand ils l’avaient aperçu, il avait remarqué leur surprise, vite dissimulée. Un adolescent seul et armé d’une simple barre métallique, ça ne courait plus les rues ces derniers temps.
Intrigués, ils l’avaient laissé approcher en silence, cessant pour un instant leur jeu de tir.
« Salut… »
Que dit un survivant à un autre survivant quand l’univers est devenu un champ de ruines ? Sûrement pas « ça va ? » ou « Quoi de neuf ? »… Même demander une cigarette lui aurait semblé déplacé, quoiqu’à la réflexion, si quelqu’un dans cette ville avait encore du tabac, ce devait être ces deux-là.
Adrian était donc resté muet à les observer, envahi de sensations mêlées. Soulagement de n’être plus seul, terreur en pensant à Lina enfermée à des kilomètres de là avec un zombie à ses trousses, épuisement d’avoir couru dans toute la ville en évitant le moindre endroit inquiétant… Lina !! Il y avait urgence, il fallait qu’il se ressaisisse. Il avait alors tenté le tout pour le tout.
« J’ai besoin d’aide, les gars. »
Puis les mots s’étaient bousculés en panique, désordonnés et mélangés, le toit de leur abri qui s’était effondré, les forçant à sortir en pleine nuit, les trois zombies qui les avaient pris en chasse, la chance inespérée quand deux d’entre eux s’étaient volatilisés dans une ruelle adjacente, la découverte de cette porte métallique blindée qu’ils avaient pu refermer derrière eux, puis le silence et l’obscurité d’un sous-sol immense, ancien parking d’un immeuble de bureaux et loge d’un gardien sans doute, puisqu’ils étaient tombés finalement sur cette salle de bains rassurante, équipée pour seule ouverture d’une porte qu’ils avaient barricadée et d’un soupirail étroit et grillagé.
En quelques mots et sans reprendre son souffle, Adrian leur avait expliqué toute la situation, et les jumeaux avaient paru ravis. Frits avait bondi sur ses pieds, attrapé un gros sac de sport bien rempli et tendu une main à Adrian.
« On est avec toi, p’tit gars. Puisqu’y’a urgence, faut pas traîner. On te suit ! »
Niek avait alors poussé un hululement, sorte de cri de guerre, et enfilé un sac à dos au moins aussi lourd que le sac de son frère avant de s’élancer à leur suite.
A présent qu’ils approchaient de l’immeuble où Lina les attendait, Adrian sentait son pouls s’affoler. La main crispée dans sa poche sur son téléphone portable, il imaginait en mémoire le beau visage de la jeune fille, ses grands yeux noirs emplis d’inquiétude.
Pourvu qu’il soit encore temps !
C’est vraiment bien écrit.
Le style est agréable et l’histoire accrocheuse : encouragements pour la suite !
Trop nice!!!! 🙂