Derrière le bâtiment, Fritz et Adrian avancent prudemment, restant à couvert des voitures stationnées dans le parking du complexe administratif. La dernière voiture de la rangée se trouvant être un gros pick-up, Fritz fait signe à Adrian qu’ils s’arrêteront juste à son niveau. Tous les sens en alerte, Adrian fixe du regard le mur de l’immeuble en priant pour que la porte soit toujours fermée. Pour ne pas se retrouver enfermé dehors, il avait bloqué le pêne avec un morceau de sa carte de bibliothèque, puis poussé la porte au maximum pour qu’elle ait bien l’air fermée au premier regard.
Un dernier pas derrière la Chevrolet Silverado et les deux garçons aperçoivent la porte blindée vers laquelle ils progressent.
Les nerfs à fleur de peau, Adrian sent son sang se glacer dans les veines. Des morceaux de bois fracassés sont éparpillés devant la porte, pourtant fermée.
D’un geste bref, il attrape le bas de la veste militaire de son compagnon.
« Y’avait rien devant la porte, tout à l’heure », murmure-t’il dans un souffle.
« Reste ici. »
Fritz finit de contourner la Chevrolet et avance de quelques mètres à découvert. A leur droite, un grillage sépare le parking du complexe administratif de la cour du lycée voisin. Un étroit sentier longe le grillage au pied de l’immeuble dans le sous-sol duquel la jeune fille est retranchée, vers la façade de l’immeuble dans la rue principale.
Derrière eux, le mur d’une usine abandonnée, uniquement percé de fenêtres étroites, très haut placées.
A première vue, le grillage du lycée est intact, et haut de plus de deux mètres cinquante, relativement difficile à franchir.
Le danger ne devrait pouvoir venir que du sentier à droite de l’immeuble ou, à gauche, de l’entrée du parking par laquelle ils sont eux-mêmes arrivés.
De ce côté de l’immeuble, la seule ouverture au rez-de-chaussée est cette porte blindée. De l’endroit où ils se trouvent, impossible de savoir si le mécanisme de verrouillage est enclenché ou toujours bloqué par le dispositif d’Adrian.
Fritz revient sur ses pas vers le jeune garçon.
« Je vais aller voir si c’est ouvert, tu me couvres. »
Un frisson parcourt le dos d’Adrian. Ça y est, il est dedans jusqu’au cou. D’un geste presque imperceptible du menton, il fait signe à Fritz qu’il est d’accord, puis se place accroupi derrière le pneu arrière droit du pick-up.
Le jumeau blond se met en marche, concentré, attentif au moindre bruit suspect. Dans la ville désertée, plus de bruits de moteur, de radios ou de voix humaines. Un silence uniquement parsemé de couinements de rats ou du son étouffé des pas des chiens errants.
***
Un zombie avec une idée, ça ne se croise pas à tous les coins de salle de bains. Disons que celui-là était un zombie un peu hors normes, premier de sa promo et tout ça…
Penché devant l’ouverture qu’il vient de se ménager, le zombie essaye de passer la tête la première, mais ses bras englués dans son dos le retiennent. La substance rose semble s’être collée dans les restes d’encadrement de la fenêtre brisée.
Enragé, le monstre force en poussant de la pointe de ses pieds sur le trottoir. Centimètre après centimètre, il progresse néanmoins vers l’intérieur, quand soudain, le cadre de la fenêtre s’arrache du mur, permettant au zombie de s’affaler à l’intérieur de la pièce dans un tas informe de membres emmêlés. Comble de la malchance, un morceau de l’armature métallique de la fenêtre est resté accroché au mur, retenant le zombie prisonnier du cadre, comme enchaîné au mur.
Lina a retenu un hurlement en voyant dégringoler le zombie et sa fenêtre. L’horreur et l’incrédulité se mélangent dans sa tête alors qu’elle se lève d’un bond de son recoin, la lunette des WC brandie devant elle.
Une voix se fait entendre depuis la rue.
« Ça va là-dedans ? »
Un visage blond apparaît alors dans l’encadrement brisé. Jeune, l’air espiègle, et surtout, vivant !!!
Lina essaye de lui répondre mais seul un couinement faible sort de sa gorge sèche.
Elle retente, plus fort cette fois.
« Ici !! Je suis là ! »
En dessous de Niek, le zombie remue fortement, essayant de se libérer de la carcasse fracassée du soupirail. N’y voyant pas là de danger immédiat, le jeune homme observe Lina, la première fille qu’il ait l’occasion de voir depuis l’évacuation de la ville des semaines plus tôt. Et quelle douce jeune fille !
Châtain, les yeux marron, le teint légèrement mat, les traits fins, et une silhouette élancée, Lina semblerait presque sortie d’un catalogue de mode, si on pouvait oublier ses vêtements tâchés et poussiéreux, son manteau déchiré, et ses cheveux emmêlés…
Niek s’arrache à sa contemplation en voyant le zombie se redresser sur les genoux. Il est temps de réagir.
Avant qu’il ait esquissé le moindre geste, la pas-si-douce jeune fille le devance en se jetant sur le monstre avec son arme improvisée. La peur, l’angoisse, le stress et la rage contenue pendant ces longues heures se déversent alors tous en même temps, et la jeune fille frappe à coup répétés sur la tête déjà cabossée du zombie.
Interloqué, Niek n’a pas le temps d’intervenir et ne peut qu’observer la scène.
Après des secondes qui lui paraissent des heures, les mouvements de Lina faiblissent, le geste devient moins tranchant, Niek devine la fatigue qui la gagne et l’adrénaline qui redescend. Et le zombie n’est pas hors-jeu…
A suivre
6 mois de retard pour cette lecture, mais toujours aussi bon.
Bravo Laurana.